
- S'il vous plaît ?, la pria Lysandre. Pouvez-vous nous dire quand est-ce qu'il nous sera possible de voir notre amie ?
- Votre amie est encore inconsciente. Il vous faut l'autorisation d'un médecin.
_____Elle s'éloigna sans rien ajouter et sans une once de compassion. Il n'en fallut pas plus pour faire sortir le jeune homme de ses gonds. Serrant les poings, il échangea un rapide coup d'½il avec son ami abattu.
- Assez, pesta-t-il la mâchoire serrée.
_____Sa patience atteignait sa limite. Il ne supportait plus ce couloir silencieux. Ce manque d'informations. Alors il délaissa son ami et poussa la porte sur sa gauche.
- N'essaie pas de bouger, me calma mon visiteur. J'ai eu tellement peur.
_____Son ton trahissait une certaine souffrance et j'eus un pincement au c½ur. Ma vue finit par me revenir complétement et je pus mesurer son inquiétude sur ses traits. Sa chemise était froissée, ses cheveux en bataille. Depuis combien de temps étais-je inconsciente ?
- Ça va faire plus de cinq heures, répondit Lysandre comme s'il pouvait lire dans mes pensées. On ne...on ne savait pas...si...tu allais te réveiller.
_____Sa voix tremblante rajouta un poids supplémentaire à ma culpabilité. « Tes amis t'attendent » avait relevé mon père. Encore une fois j'allais me montrer égoïste. Je tendis la main à Lysandre et celui-ci la porta à ses lèvres. Il avait les yeux brillants. Puis une larme de soulagement lui échappa.
- Je suis désolée, soufflai-je.
_____J'avais la gorge sèche et ma voix en sortit enraillée. Mais je sentis les lèvres de Lysandre s'étirer contre ma peau.
- De quoi ?, rit-il en reniflant. Tu es là, c'est tout ce qui compte.
- Que...qu'est-ce qu'il s'est passé ?, demandai-je. Je me souviens de Roxane...et...
- Tu es malade, avoua-t-il. Les médecins pensent que tu es atteinte de la Maladie d'Addison.
_____J'eus un moment de panique qui dut se lire dans mes yeux car Lysandre resserra ma main pour éviter que mon regard ne se perde et attira mon attention.
- Tout va bien, me souffla-t-il. Maintenant que nous savons, tu vas pouvoir te soigner, okay ?
_____J'acquiesçai et il m'adressa un sourire rassurant.
- Je vais chercher le médecin, je reviens.
_____Il se leva de son siège et se pencha pour m'embrasser sur le front avant de sortir. Je déglutis. Malade. Depuis combien de temps ? Aurais-je pu le savoir plus tôt ? J'avais bien failli franchir le point de non-retour. Mon c½ur commença à s'emballer et le bip de l'électrocardiogramme se fit plus précipité.
- Il faut que vous restiez calme, entra le médecin. Respirez profondément.
_____Il s'approcha à mon chevet et je fus soulagée en reconnaissant le docteur Clément. Il respira à son tour calmement pour que je suive son exemple et Lysandre contourna mon lit pour venir me prendre mon autre main.
- Bien, sourit le docteur Clément après plusieurs minutes d'exercice respiratoire.
- Qu'est-ce qu'il m'arrive docteur ?, demandai-je sans cacher ma panique.
- Les examens ont montré une insuffisance surrénalienne, m'expliqua-t-il. Votre organisme attaque ses propres glandes surrénales et les empêche de fonctionner normalement. Vous ne parvenez plus à gérer votre stress.
- Mon stress ?
- Vos amis m'ont confié que vous en emmagasiniez depuis plusieurs mois déjà, notamment à cause d'un conflit avec votre mère.
_____Je reportai mon attention sur Lysandre à moitié assis sur mon lit. Celui-ci affichait un air désolé.
- Nous étions obligés d'en parler, grimaça-t-il.
- Votre dernière dispute, poursuivit mon médecin, a sans doute été la goutte d'eau de trop. Mais au vue de votre affaiblissement, je suis même étonné que vous ne vous soyez pas effondré plus tôt.
- Je suis une coriace, souris-je en me redressant légèrement. Mais vous êtes en train de me dire que ma soudaine perte de poids, mes nausées et mes crises de spasmophilie...ne sont dues qu'à mon incapacité à gérer...mon stress ?
_____Je lâchai malgré moi un rire jaune.
- Il s'agit de la maladie d'Addison, acquiesça-t-il. Mais je crains que de simples respirations profondes ne suffiront plus à calmer les crises.
- Alors je fais quoi ? Je deviens bouddhiste et me mets à la méditation ?
- Lily..., souffla Lysandre.
- Je peux comprendre votre colère mademoiselle Chevalier.
_____En colère ? C'était bien plus que ça. Je me sentais désemparée et impuissante. Comme si ma vie ne tournait pas assez à la catastrophe, il fallait que j'apprenne que mon corps s'autodétruisait à petit feu.
- Nous sommes néanmoins parvenus à déterminés un traitement. Il s'agit de comprimés réunissant l'hydrocortisone et fludrocortisone dont manque votre organisme.
- Très bien, me résignai-je en pinçant les lèvres, et combien de temps ?
- Evangeline, soupira le médecin, il s'agit d'un traitement à vie.
_____La chapelle de l'hôpital était une petite pièce sombre éclairée par deux lampes murales imitant les anciennes lanternes à huile. Un Christ crucifié s'érigeait au bout de l'allée que constituaient les trois rangées de bancs en bois. Derrière celui-ci, sur la gauche, était installé un présentoir à cierges. Au milieu des restes de cire, une bougie brillait encore. Ce ne fut qu'à ce moment-là qu'il remarqua la présence d'une femme assise à l'écart.
_____Penaud, il se balança sur ses jambes, ne sachant quoi faire. Devait-il s'incliner et faire le signe de croix comme il l'avait toujours vu à la télévision ? Castiel se sentait ridicule. Et hypocrite. Le jeune homme n'était en effet plus entré dans un lieu saint depuis sa première communion.
- Vous ne venez pas souvent vous recueillir, n'est-ce pas ?, l'interpella la femme.
_____Il sut alors au son de voix qu'elle était âgée et ne se sentit que plus honteux. Que devait-elle penser de lui et tous ses autres compères débauchés ? La nouvelle génération était loin de fréquenter les églises. Pensait-elle qu'il venait se rire d'elle ? Ou de ses croyances ? Il déglutit.
- Non madame. Je suis désolé...je...ne voulais pas vous déranger.
- La maison de Dieu est ouverte pour tous les c½urs perdus, voulut-elle le rassurer.
- Il est vrai que mon esprit est confus ces derniers temps.
_____Castiel puisait au fur et à mesure dans sa mémoire pour se souvenir des phrasés de Lysandre. Même s'il n'était pas habitué à employer un tel langage, il voulait se montrer respectueux.
- Approchez, l'invita-t-elle.
_____Elle pivota dans sa direction et lui indiqua la place à côté d'elle. Il s'approcha alors maladroitement.
- Pourquoi êtes-vous ici ?, le questionna-t-elle.
- Mon amie est souffrante, expliqua-t-il. Et on refuse de nous fournir la moindre information. J'étais...si en colère. Je ne pouvais plus rester à attendre sans rien dire.
- Je comprends. Je prie lorsque je me sais impuissante. Mon époux est au bloc opératoire en ce moment, continua l'aînée. Rien de bien grave mais comme vous, je supporte mal le fait d'attendre sur une chaise. Alors je viens ici prier.
- Je ne connais aucune prière, avoua-t-il ennuyé.
- La prière peut prendre bien des formes. Il vous suffit de parler. De livrer ce que vous avez sur le c½ur.
- Mais à qui dois-je m'adresser ? Dieu ? Jésus ?
- Le paradis abrite de nombreuses âmes.
_____Sur ce elle lui adressa un sourire chaleureux et se leva pour se diriger vers la sortie. Puis la porte se referma sur la vielle dame dans le même grincement sinistre. Il était seul. Le rouquin se mordit la lèvre inférieure et passa ses mains sur son visage. Un rire nerveux lui échappa. Allait-il vraiment se mettre à parler dans le vide ? Se rendant compte qu'il frappait compulsivement du pied, il s'immobilisa et inspira profondément.
- Je suppose que tu n'as rien à perdre, souffla-t-il.
_____Penché en avant, les avant-bras en appui sur les genoux, le jeune homme frotta ses mains moites l'une contre l'autre avant de se lancer.
- Euhm..., hésita-t-il, salut Daniel c'est...c'est Castiel. Enfin...je suppose que depuis là où tu es tu dois le voir.
_____Il lâcha un nouveau rire. Si quelqu'un débarquait maintenant dans la pièce, il le prendrait pour un fou.
- Comme tu dois savoir que Lily se trouve allongée dans l'un de ces lits, continua-t-il néanmoins. Alors...euhm...je sais pas trop comment ça marche ce truc mais...on vient de me dire...enfin...je...
_____Castiel se releva brusquement et sortit du rang.
- C'est complètement débile, cracha-t-il en donnant un coup de pied dans la banquette.
_____Il souffla et reporta son attention sur le Christ en croix. Et Castiel eut soudainement l'impression que ce dernier le fixait d'un air réprobateur et baissa les yeux vers ses baskets.
- C'est juste que..., reprit-il après quelques minutes dans le silence, j'ai la frousse. Les toubibs disent que c'est à elle de se battre pour revenir et...et je me suis conduit comme un c****** avec elle. J'ai pas été là quand elle en avait le plus besoin.
_____Le rebelle serra les poings. Sa voix menaçait de dérailler.
- J'ai failli à ma promesse Daniel. J'en suis conscient. Et t'as le droit de m'en vouloir mais...
_____Ses jambes flanchèrent sans prévenir et il se laissa tomber à genoux devant la sculpture sainte.
- Ne la prend pas avec toi, supplia-t-il son ami défunt.
_____Il releva le menton vers le plafond et laissa échapper un sanglot.
- Empêche-la de te rejoindre, insista-t-il. Parce que j'ai...La vérité c'est que je crèverai pour elle. Comme j'aurais préféré choper ce foutu cancer à ta place... Je viens à peine de la retrouver...tu n'as pas le droit de me la reprendre. Pas maintenant.
_____Castiel avait bien conscience de se montrer faible et vulnérable pourtant il était incapable de paraitre autrement. Chaque haussement de ton dans le but de reprendre contenance, ne faisait que le rendre plus pitoyable.
- J'ai besoin d'elle, Daniel, murmura-t-il finalement. J'ai douloureusement besoin d'elle.
- Nous allons vous garder en observation durant trois jours par sécurité et si tout se passe bien avec votre traitement, vous pourrez rentrer, m'informa finalement mon médecin.
- J'aimerais me changer, répondis-je simplement les yeux dans le vide.
_____On m'avait retiré mes vêtements pour m'enfiler l'une de leur chemise de nuit pendant que j'étais inconsciente. Je détestais ces tenues. Seuls les patients condamnés à passer un bon moment à l'hôpital les portaient. Mon père en revêtait une à chaque nouvelle entrée dans son centre hospitalier. Il avait bien failli mourir dans plusieurs d'entre elles. Même si ce n'était que psychologique, j'avais l'impression que le tissu avait été imbibé d'acide et m'irritait désormais la peau. Je devais la retirer.
- Bien sûr, consentit le docteur Clément, nous avons mis vos affaires dans l'armoire.
- Lysandre ?, l'interrogeai-je.
- Tout de suite.
_____Il se leva de mon lit et ouvrit la porte de mon placard tandis que le médecin nous laissa. Je me hissai hors des draps et forçai mes jambes à soutenir mon poids. Je pénétrai ensuite dans l'étroite salle de bain et analysai mon reflet dans le miroir. J'avais le teint blafard et les joues creuses. On se serait cru dans un mauvais remake du clip Thriller de Mickael Jackson. Bientôt Lysandre apparut dans mon champ de vision dans la glace. Nos regards se croisèrent et je ramenai ma chevelure terne à l'avant de mon épaule droite pour me faciliter l'accès aux ficelles refermant la chemise de nuit. Malheureusement le seul geste de relever les bras vers l'arrière m'était douloureux.
- Est-ce que tu peux m'aider ?, demandai-je la voix tremblotante.
_____Lysandre déposa mes vêtements sur le lavabo devant moi et tira sur les petites ficelles. Il m'aida à retirer la chemise de nuit et une ombre passa dans son regard. En m'examinant dans le miroir, je compris qu'elle était due à la vue de ma maigreur. Tous mes os saillaient sous ma peau presque translucide. Je pouvais compter mes côtes. Soudain consciente de ma nudité morbide, je tentai de la lui cacher en refermant mes bras autour de mon corps frêle et malade. Mais mon ami était loin d'afficher un air dégoûté comme je m'y attendais. Comment ne pouvait-il pas l'être ? Comment pouvait-il supporter la vue de ce corps répugnant ? Les larmes m'échappèrent sans prévenir. Emportée par mes sanglots, les bras de Lysandre autour des miens furent les seuls à m'empêcher de m'écrouler sur le carrelage froid.
_____Il ne dit rien. Se contentant de me soutenir en pressant le bas de son visage contre ma tempe jusqu'à ce que mes gémissements cessent. Puis il m'aida en enfiler mon jeans et mon pull après avoir agrafé mon soutien-gorge quasi inutile. Je flottais littéralement dans mes vêtements. Et lorsque mon pull dénuda pour la énième fois mon épaule, Lysandre embrassa cette dernière avant de la recouvrir.
- Tu es toujours là, soufflai-je lorsque nos regards se recroisèrent par miroir interposé.
_____Il recula alors d'un pas pour me laisser me retourner.
- Malgré tout ce que je t'ai dit, continuai-je. Tu es toujours là.
- Ça doit être mon côté masochiste, se défendit-il avec un sourire en coin.
_____Mais sa remarque ne me fit pas rire. Elle n'était qu'une preuve supplémentaire que j'étais mauvaise pour lui. Que je le blessais. Je m'avançai de quelques pas et il s'écarta pour me laisser sortir de la petite pièce.
- Je tiens à toi Lily, m'interpella-t-il.
_____Je m'immobilisai au centre de la chambre et pivotai pour l'observer. Lysandre me fixa alors sans ciller les lèvres pincées. Et comme je ne répondais pas, il franchit les quelques mètres qui nous séparaient.
- Je tiens à toi, répéta-t-il. Et je sais que tu tiens à moi.
_____Je ne saurais dire si c'était ce qu'il voulait, mais sa soudaine proximité me troubla. L'intensité de son regard vairon posé sur moi, me troubla. Il était inutile de mentir.
- C'est exactement pour cette raison que je veux te préserver de moi, répliquai-je.
- Tu me rends meilleure Evangeline et tu ne t'en rends même pas compte.
- Je mène une vie beaucoup trop litigieuse et il serait égoïste de ma part de te l'imposer.
- Tu ne m'imposes rien, quand vas-tu le comprendre ?, me détrompa mon ami.
- Lysandre..., l'implorai-je.
- Non laisse-moi finir, m'interrompit-il en levant une main. La vérité Lily, c'est que lorsque tu me rejettes, mon c½ur se brise. Et je me hais de ne pas pouvoir t'être plus utile au sujet de ta mère... Je ne cesse d'attendre en vain tes appels tous les soirs. Parce que...ta voix me manque Lily. Ta présence me manque... J'ai besoin de toi Evangeline Chevalier. C'est plus fort que moi.
_____Ma respiration se faisait de plus en plus haletante au fur et à mesure de sa tirade. J'avais oublié quel effet Lysandre pouvait avoir sur moi. Comment le simple fait de prononcer mon nom pouvait faire cesser de battre mon c½ur pendant un fragment de seconde. Comment l'un de ses sourires pouvait me couper le souffle. Il me rendait vulnérable. Il était ma faiblesse.
- Mais maintenant, reprit-il, si tu me dis que tu ne ressens pas la même chose, alors je renoncerai. Dans le cas contraire...laisse-moi devenir ton pilier. Repose-toi sur moi, Evangeline.

_____Il prit mon visage en coupe, déposa un baiser sur le haut de mon crâne et posa son front contre le mien. De sorte que nos souffles se mêlèrent pendant plusieurs minutes. Que me demandait-il ? S'il me manquait ? C'était évident. Combien de fois n'avais-je pas saisi mon téléphone avant de le reposer dans la minute suivante ? Combien de fois eus-je l'envie de le supplier à genoux de me pardonner ?
_____Lysandre avait toujours été là pour moi. Et même lorsque j'avais tout gâché avec Dake, il avait su me pardonner. « Laisse-le être cette épaule »... Les propos d'Alexy me revinrent avec un pincement au c½ur. Lysandre avait su me donner une seconde chance. Peut-être pourrais-je nous en accorder une à mon tour...
Une réplique de Lysandre t'a particulièrement plu ? Partage-la sur son 100%
Skipounette-fic-as, Posté le dimanche 15 novembre 2015 14:28
anonymous a écrit : "
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